mercredi, février 09, 2005

The Corporation

The Corporation est un film qui ne se donne à Paris que dans une salle (mais que l'on peut voir dans quelques salles en province). Un film rare conçu comme un essai sur le monde de l'entreprise, d'où son titre, réalisé "à l'américaine", avec ce que cela suppose de sérieux dans la recherche, de vigueur dans le ton, mais aussi d'ouverture d'esprit (on y rencontre aussi bien des adversaires déclarés des multinationales que quelques grands patrons qui s'expriment sans être caricaturés). On en sort éclairé sur les méfaits des multinationales (notamment de Monsanto), inquiet (les produits industriels seraient à l'origine de ce que l'une des personnes interrogées appelle une épidémie de cancers), épuisé (le film est trop long), mais changé : c'est un film rare, qui pense sur des sujets difficiles, qui pense et donne à penser. Pour ma part, j'en ai retiré une hésitation sur ce qu'est une entreprise. On y apprend, ce que j'ignorais, que le 14ème amendement de la constitution américaine, conçu pour lutter contre l'esclavage, a surtout servi à donner une personne morale aux entreprises. Mais comment mettre en prison ce genre de personne morale? Et peut-on dire que leurs dirigeants sont les seuls coupables quand on voit que ce sont aussi, à l'occasion, de braves gens (tous les intervenants, même les plus hostiles aux grandes entreprises, assurent qu'ils peuvent l'être, qu'ils le sont parfois) : il y a une scène surréaliste où l'on voit le patron de la Royal Dutch Shell et son épouse, surpris dans leur maison de campagne, par des contetstaires, leur offrir le thé et engager sur la pelouse une longue conversation d'où il ressort qu'ils sont eux aussi, à titre individuel très inquiets pour l'avenir de la planète. Ce qui n'empêche naturellement pas Shell de se comporter d'une manière abominable au Niger. Qu'en conclure? Que ces braves gens mentent? qu'ils se mentent? ou, comme le suggère Michael Moore, parlant de ses parents, travailleurs de l'industrie automobile, qu'ils sont aveugles? La puissance du capitalisme moderne viendrait-il de cette capacité à créer chez chacun de nous cet aveuglement qui nous amène à faire au quotidien le contraire de ce que nous souhaitons, pensons et voulons?

Aucun commentaire: