vendredi, octobre 13, 2006

Ségolène, la Turquie et son blog

Nous avons tous vu à la télévision la réponse alambiquée de Ségolène Royal à une question sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe. Si quelqu'un a compris, au vu des images diffusées, sa position, il est bien malin. Mais voilà que son blog revient sur le sujet : A propos de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, Ségolène Royal, explique-t-il, a rappelé que le processus “se terminera par un référendum. Un certain nombre de conditions doivent être remplies, par rapport à l’inquiétude des opinions sur la stabilité des frontières de l’Europe. Cette question sera débattue. Il faudra pour que le peuple français se prononce, avoir entre-temps apporté un certain nombre de garanties. Le référendum ne sera pas facile. Il va falloir beaucoup de travail, d’évolution, pour que le peuple français se prononce positivement. Ce travail est entre les mains de tous”. Si l'on comprend bien, elle envisage un référendum et préférerait une issue positive qui n'est pas acquise. Ce qui n'est pas tout à fait ce que nous avions entendu et est, à mes yeux au moins, une précision utile (Si on veut un argument en faveur de l'entrée de la Turquie en Europe, on le trouvera dans cette chronique de 2004.).

Cette précision est présentée comme une citation. Est-ce ce qu'elle a vraiment dit? que nous n'aurions pas entendu, que les journalistes auraient coupé au montage ou, autre hypothèse, qu'elle aurait dit après coup? Mais, après tout, qu'importe. La question est plutôt de savoir qui croire. Le blog qui réécrit (ou donne le texte exact de) la réponse ou les images télévisées?

Le blog introduit dans le discours politique une nouvelle figure, celle du repentir ou, plutôt, de la correction immédiate. Plus besoin d'attendre une nouvelle émission, d'émettre un démenti (toujours ridicule) pour préciser sa pensée. Il suffit de revenir sur le sujet dans son blog, ce qui peut modifier durablement le discours politique.

Les médias audiovisuels ont forcé les politiques à être plus précis (au risque de multiplier les chiffres que personne ne peut vérifier), à tenir un discours plus homogène (difficile de dire blanc dans le Nord et bleu dans le Sud, quand les télévisions diffusent partout vos propos), plus direct (les journalistes coupent les circonvolutions). Ils n'ont pas éliminé la langue de bois, mais l'ont rendue insupportable. Et en ce sens, ils ont amélioré le discours politique, mais ils l'ont aussi simplifié à outrance (tout ne peut pas se dire en quelques mots), ils ont réduit l'espace de l'hésitation (la télévision favorise ceux qui pensent vite et ont la capacité de mémoriser chiffres et argumentaires) et de la réflexion (il faut avoir une opinion, on ne peut pas dire : je ne sais pas…). Ils ont augmenté le coût des erreurs et donné aux journalistes la possibilité d'agir sur l'opinion. Présenter trois fois de suite sur quatre chaines les images de Ségolène trébuchant sur la Turquie est une manière subliminale de conforter le discours de ses adversaires (même chose, d'ailleurs, pour les racailles et karcher en boucle de Sarkozy). Ils ont également souligné les revirements (quoi de plus facile que de mettre bout à bout les déclarations d'hier et celles d'aujourd'hui?).

Les blogs n'ont ni la force ni la diffusion des médias audiovisuels, mais ils modifient légèrement le partage des rôles. Ils rendent aux politiques une partie du contrôle sur leur expression, ils leur permettent de revoir et corriger en temps quasi réel ce qu'ils ont dit. Ce n'est pas négligeable.

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