vendredi, septembre 28, 2007

Immigration : la leçon d'un français expatrié aux Etats-Unis

On parle d'immigration à tort et à travers comme le montre cette lettre d'un chercheur français expatrié aux Etats-Unis à Patrick Weil que vient de publier Rue 89. Il réagit à une émission sur l'immigration sur Riposte. Une lettre à faire circuler!

jeudi, septembre 27, 2007

Gautier-Salagnac et la théorie du complot

Les ennuis judiciaires à venir de Denis Gautier Salagnac (patron de la très puissant UIMM au MEDEF, il aurait détourné près de 6 millions d'euros des caisses de l'organisation patronale) ont dores et déjà donné lieu à une théorie du complot.

C'est @rret sur image, le blog de Daniel Schneiderman et son équipe qui a le premier dégainé et deviné le complot. Le raisonnement est simple : ce sont des journaux des groupes Lagardère et Dassault qui ont les premiers diffusés des informations sur une enquête qui n'aurait pu, nous dit-on, avoir lieu sans la bénédiction des plus hautes autorités de l'Etat. Il y a donc anguille sous roche. Et l'anguille est toute trouvée : l'argent aurait été détourné pour financer les organisations syndicales, comme le suggère à mi-mot un journaliste du Figaro dans deux passages de son article :

- "Côté patronat, c'était hier, silence radio. « No comment ». Laurence Parisot n'a pas souhaité réagir à chaud sur l'affaire révélée par Le Figaro. Cela ne veut pas dire que la présidente du Medef restera éternellement silencieuse. Plus probablement veut-elle prendre le temps d'évaluer sereinement une situation bien embarrassante. Et pas seulement pour le patronat ! En témoigne l'absence de réaction des syndicats, habituellement si prompts aux commentaires, qui plus est lorsqu'il s'agit d'un « scandale » patronal."

- "Nombre d'observateurs subodorent en effet que ces fonds étaient en réalité versés à des organisations syndicales, de façon à peu près aussi transparente qu'étaient financés les partis politiques avant que la loi n'y mette bon ordre."


La publication de cette information à la veille de négociations qui s'annoncent difficiles pour le pouvoir n'aurait donc d'autre objet que de mettre un peu plus en position de faiblesse les organisations syndicales.

Tout cela est, bien sûr, avancé sans la moindre preuve et laisse rêveur :
- Si les syndicats sont menacés par ces révélations, le MEDEF pourrait ne pas sortir indemne de cette opération. Le pouvoir veut-il l'affaiblir lui aussi?
- Ces méthodes sentent bon le gaullisme d'hier et la Chiraquie. Pour le sarkozisme, ce serait une première. N'est-ce pas un peu tôt pour une équipe qui vient tout juste de s'installer?
- Entraîner les syndicats dans un scandale financier est-il la meilleure manière de les "calmer"? Cela pourrait, au contraire, les inciter à se radicaliser pour montrer à leurs troupes qu'ilils ne se sont pas laissés acheter ;
- Quelles négociations en cours, quels conflits graves auraient, ces dernières années justifié ces paiements?

Il est vrai qu'aller chercher de l'argent en liquide quand chacun sait que c'est risqué au delà de certaines sommes, comme l'ont fait DSG et ses collaborateurs, laisse également rêveur…

Taxis parisiens

Quiconque les emprunte sait combien les taxis sont gens étranges.

Ils étaient hier en grève à Paris pour mettre en garde un gouvernement qui voudrait toucher à leurs "privilèges". Une corporation en marche… classique, rien à dire sinon que l'on aurait préféré qu'ils fassent cela un jour de beau temps.

Le soir-même, je prends un taxi. Sa première question : allez-vous dans le 16ème? Je n'y vais, je le lui dis, il m'invite à monter. Je demande au chauffeur, un homme plutôt jeune, pourquoi il refuse d'aller dans ce quartier. Parce que, me dit-il, les gens qui y habitent sont des cons… sans autre commentaire.

Je doute que ce comportement soit pris en compte dans les modèles des économistes.

lundi, septembre 24, 2007

Jospin, ségolène et les socialistes

Jospin récidive dans les attaques contre Ségolène. C'est, bien sûr, son droit, mais ses attaques rappellent celles de Giscard contre Chirac et celles de Rocard contre Mitterrand. Comment se fait-il que des gens intelligents, des démocrates sincères, des politiques de qualité qui ont plutôt bien gouverné se révèlent aussi mesquins dans l'adversité, aussi incapables d'accepter leur défaite et de voir la réalité en face : si les militants socialistes ont massivement (à plus de 60%) choisi Ségolène Royal contre Fabius, Strauss-Khan et (faut-il le rappeler?) Jospin, c'est sans doute qu'ils avaient de bonnes raisons de le faire. A tout le moins, leur choix signifiait qu'ils en avaient assez des dirigeants historiques du parti, qu'ils voulaient de nouvelles figures capables de renouveler problématique, programme et discours, ce que Ségolène a fait, même si ce fut souvent de manière improvisée et un peu brouillonne. Ses idées de démocratie participative ont beaucoup choqué, mais elles avaient le mérite de la nouveauté et annonçaient une révision de notre environnement politique autrement intéressant que le ravaudage constitutionnel que nous prépare la commission Balladur.

Les propos de Jospin, parler de Ségolène comme d'une figure seconde de la politique ne relèvent certainement pas du sexisme, moins encoredu racisme, mais ils sont une marque intolérable de mépris à l'égard de quelqu'un qui a été choisi par les militants et n'a pas démérité (on ne le répètera jamais assez, 47% des voix au second tour c'est infiniment mieux que 16% au premier).

Un dernier mot : à force d'attaquer aussi violemment Ségolène Royal, certains socialistes vont finir par nous faire croire que non contentes de pas voter pour elle (car comment un Jospin a-t-il pu voter pour Ségolène sachant ce qu'il en pensait?) ils ont incité leurs camarades à faire de même.

samedi, septembre 22, 2007

Rhétorique sarkozienne

Nicolas Sarkozy parle tant et tant qu'est en train de se développer une sorte de spécialité nouvelle qui est à Sarkozy ce que la kremlinologie fut un temps au Kremlin. Elle produit assez régulièrement l'occasion de belles analyses comme celle que Judith Bernard propose des dernières allocutions de notre Président. Elle convoque quelques figures de rhétorique pour nous expliquer qu'il parle pour ne rien dire, ce que l'on soupçonnait. Mais, il y a plus : la lecture des commentaires montre que beaucoup d'internautes n'en peuvent plus de cette campagne permanente. Ils ferment leur poste ou tournent le bouton lorsqu'ils croisent Nicolas Sarkozy à la radio ou à la télévision. Ce qui m'amène à cette question : combien de temps faudra-t-il pour ue ce phénomène de rejet touche une majorité de Français?

Picasso en raccourci

Pour tous ceux qui trouvent les expositions un peu fastidieuses, ce très joli petit film montre que la technologie a ses solutions. Plutôt que d'aller au Musée Picasso, de faire la queue pour acheter un biller, de piétiner devant des tableaux, de se perdre dans les salles,quelques secondes devant son écran et le tour est joué.

mercredi, septembre 19, 2007

Dialogue social, un leurre comme l'ouverture à gauche?

Nicolas Sarkozy n'a pas manqué une occasion, dans son discours sur le social au Sénat, de parler du dialogue social. Nul ne saurait le lui reprocher. Il en a tant parlé que j'ai eu un instant le sentiment qu'il voulait créer en France un Etat corporatiste à l'autrichienne. Mais ce n'était sans doute qu'une illusion. On en est très loin pour des tas de motifs et je ne pense pas que l'idée l'ait jamais effleuré (ou, mais c'est peut-être la même chose, qu'elle ait jamais effleuré ses conseillers).

Connaissant l'état des organisations syndicales, leur difficulté à représenter et mobiliser les travailleurs (et le MEDEF ne fait pas mieux que les syndicats ouvriers), voyant également son insistance à obtenir des résultats dans des délais si courts qu'il est matériellement impossible de les tenir, entendant ce qu'il a pu dire des électriciens ("admirables en 1999") et des conducteurs de la SNCF (tout aussi "admirables en 2005"), je me demande si tout cela ne relève pas de la tactique.

Un peu comme l'ouverture a pu anesthésier une partie de l'opinion et faire passer des mesures destinées aux plus riches (ces 15 milliards de cadeaux fiscaux que même ses amis trouvent inutiles et inefficaces), cet appel au dialogue social, ces rencontres avec les dirigeants syndicaux pourraient n'avoir pour objectif que de faire passer la pilule et éviter ou retarder le déclenchement de mouvements sociaux de grande ampleur.

Le fait de se mettre ainsi en avant peut d'ailleurs aider. On cède plus facilement au président de la République qui a une légitimité que nul ne conteste qu'à un ministre que l'on sait révocable. Et, pour dire les choses plus prosaïquement, il est plus excitant pour un dirigeant syndical d'être reçu à la Lanterne à Versailles que dans une salle de réunion du Ministère du Travail. Ce n'est pas faire injure aux Thibault, Chérèque et autres Mailly que de penser qu'ils sont comme nous tous sensibles à ce type d'attention.

Cet appel au dialogue social ne suffira évidemment pas, mais accompagné de quelques glissements et reculs subtilement négociés, il peut faire passer des mesures qui auraient autrement eu plus de difficultés à s'imposer. C'est certainement habile, reste à vérifier que les salariés se laissent faire et, surtout, que ces mesures peuvent résoudre les problèmes qu'elles prétendent traiter.

Quant au dialogue social… Nicolas Sarkozy met les organisations syndicales dans une étrange situation, un de ces double binds dont parlait d'école de Palo Alto. D'un coté, il leur dit "je vous aime" et il le répète, de l'autre, il les somme de se plier à ses désirs, de signer les accords que ses collaborateurs auront rédigés. Appliquée dans les familles, ces stratégies conduisent à la schizophrénie, dans le monde du travail, elles peuvent conduire à une fragmentation plus grande encore du champ syndical et à des conflits au sein des organisations entre ceux qu'il aura séduits et les autres.

lundi, septembre 17, 2007

La question humaine : un film qui pense

C’est un film qui intrigue, d’abord. De longs plans avec des coupes sèches qui déroutent le spectateur qui ne sait pas où il se trouve mais reste attentif jusqu’à ce que lentement se dégage un thème qui ne prend tout son sens qu’à la toute fin du film, une voix qui parle sur un écran noir. Ce film parle de l’entreprise, de la technique, de la solution finale, du management, des licenciements et des sans papiers et met ces différents sujets en résonance.

Son thème central est sans doute la technique, mais les lecteurs de Christophe Dejours reconnaîtront certainement quelques uns des thèmes de leur auteur favori, notamment cette insensibilité à la douleur d’autrui que produisent les organisations hiérarchiques et qui rapprochent les managers des kapos.

Quand je dis que le thème central de ce film est la technique, je veux dire qu’il est une réflexion sur la manière dont la technique permet, dans une structure hiérarchisée et surtout organisée de manière rationnelle de déplacer la responsabilité individuelle : l’ingénieur n’est pas déresponsabilisé, comme le montrent à l’évidence deux scènes de ce film, l’une dans laquelle le psychologue d’entreprise, son personnage principal, parle avec le Directeur général qui le félicite, un peu ironiquement, de la manière dont il a su identifier les bons critères pour sélectionner ceux à licencier (scène d’une formidable vérité qui révèle l’un des ressorts du pouvoir : la capacité du dirigeant à ramener la morale dans la conversation, morale que son interlocuteur a justement négligée tout à l’exécution de sa tâche), l’autre dans laquelle le psychologue lit un texte dans lequel un ingénieur de la SS explique comment modifier le camion qui tue en Pologne les juifs (la marchandise, dit-il, dans un euphémisme ou, plutôt, processus d’abstraction, qui lui permet justement de ne traiter que des aspects techniques) pour les rendre plus efficaces. L’ingénieur (le technicien) n’est pas déresponsabilisé, il est tout à fait responsable, mais sa responsabilité est réduite, limitée à à son champ de compétences et à lui seul.

Aller de l’entreprise aux nazis ne va pas de soi, mais il y a un passage de ce film qui révèle un des mécanismes de cette mise en évidence des résonances. Il est au croisement de deux plans, deux scènes. Dans la première, le personnage principal est dans un café de banlieue, le soir. Des policiers arrivent et arrêtent systématiquement, sans explication, les noirs qui y sont présents et les fouillent contre un mur avant sans doute de les faire expulser. La scène suivante est un gros plan sur deux chevilles attachées par du scotch large. Le spectateur fait aussitôt le lien avec les pratiques de la police des frontières lorsqu’elle reconduit des étrangers un peu turbulents. Il ne s’agit pas du tout de cela : les pieds sont ceux du directeur général qui s’est attaché pour mieux se suicider. Mais par ce biais rhétorique, par cette métaphore, le lien est directement établi entre des univers a priori lointains et ce rapprochement est d’autant plus troublant, qu’il est à peine suggéré : juste un peu de scotch autour de chevilles. C’est au spectateur de penser, de convoquer ce qu’il sait pour mieux comprendre ce qu’on lui montre.

Il y a dans ce film une autre dimension qu’on aurait tort de négliger. On y voit au début plusieurs scènes tournées dans une rave party, scènes violentes, indécentes, brutales, quoique très contrôlées, il y a des gardiens au milieu des ravers qui évitent qu’ils se fassent trop mal alors qu’ils perdent conscience. Dans une de ces scènes, on comprend que le psychologue va retourner au travail au petit matin sans avoir dormi ou presque (c’est un garçon qu’il a recruté qui le nettoie avec des serviettes humides). Cette absence de travail pourrait lui valoir une journée d’enfer, une matinée pourrie. Rien de pareil. Il continue, toujours aussi efficace. Plus peut-être même qu’avant. C’est, nous dit le film, que l’entreprise fonctionne comme une secte, qu’elle n’a de cesse d’épuiser ses collaborateurs pour mieux se les attacher, les motiver et leur interdire de penser à autre chose.

Il est rare de voir un film qui pense. C’est le cas de celui-ci.

jeudi, septembre 13, 2007

Il est revenu!

Il nous manquait, il est revenu. Je veux dire François Mitterrand et son blog que l'on peut trouver ici. Son premier message, après quelques mois d'absence, est court et sibyllin mais quelques mots valent mieux que beaucoup de silence.

L'immigration : terrain d'expérimentation

Il y a des informations qui devraient ramener rapidement à la réalité ceux qui se sont laissés séduire par la jeunesse et le dynamisme de Nicolas Sarkozy. Le titre du Monde de ce soir est de celles-là : Tests ADN pour certains candidats à l'immigration qui nous rappelle de manière particulièrement crue que la lutte contre l'immigration a, de tous temps, été un terrain d'expérimentation de toutes les mesures de contrôle de la population. Si l'on accepte aujourd'hui les tests ADN pour les immigrés, pourquoi les refuser demain pour telle ou telle autre catégorie de citoyens? Il ne s'agira que d'une extension banale.

Quand on pense à Kouchner et à tous ceux qui se disaient il y a quelques semaines encore de gauche… S'ils se souciaient un peu plus que de leur carrière, ils claqueraient la porte.

Qu'ils sont sages!

Je suis avec beaucoup d'attention les nouveautés sur internet, ce qui m'a fait découvrir tout récemment un service formidable, Panimages, qui permet de trouver des images en plusieurs langues. Il ne s'agit encore que d'un produit expérimental, mais dores et déjà très efficace.

Je l'ai, comme vous ferez sans doute, expérimenté sur de nombreux mots et, notamment, sur le mot étudiants qui, dans ma jeunesse, évoquait plutôt la révolution, la révolte ou, au moins, le désir de changer le monde. Ce qui n'est plus tout à fait le cas, si j'en juge par ces résultats où l'on voit, à coté d'étudiants vraiment très sages, des militants sarkozistes. Déprimant? Un peu, tout de même.

vendredi, septembre 07, 2007

Rien ne vaut un regard d'ailleurs

Il y a quelques années, alors que j'étais abonné au Wall Street Journal et que je le lisais tous les jours, j'avais remarqué qu'on avait plus facilement dans ce journal américain des informations sur ce qui se passait en Europe que dans les presses européennes qui avaient les yeux fixés sur les informations locales.

Dans un registre un peu différent, il me semble que l'une des sources d'information les plus riches sur ce qui se passe en France nous vient actuellement des Etats-Unis. Je veux parler du blog sur la société français et son actualité que tient très régulièrement l'excellent Arthur Goldhammer. On y découvre l'actualité vue par quelqu'un qui vit à Boston et qui fait des choix souvent très pertinents, qui éclairent en tout cas bien mieux que les mises en page de nos journaux sur ce qu'il y a de plus étonnant dans l'actualité politique ou économique. Godhammer travaille avec de la presse et d'internet, mais sa lecture est un délice. Vraiment!

jeudi, septembre 06, 2007

Internet nous enseignerait-il la tolérance?

Dans un article récent du Daily Telegraph, une psychologue de Harvard assure qu'internet nous rendrait plus timide. D'après ses calculs, depuis qu'internet s'est développé, le nombre de ceux qui se déclarent dans les sondages timides aurait fortement augmenté (passant de 40 à 50%). C'est naturellement à vérifier, mais la fréquentation régulière du net fait penser que celui-ci favorise plutôt la tolérance ou, autre hypothèse, qu'il séduit les plus tolérants d'entre nous.

J'en veux pour preuve un échange sur le blog de Chris Anderson. Anderson est l'auteur de The long tail, un livre sur l'internet qui a eu un certain succès l'année dernière. Il se trouve qu'Anderson a une passion dans la vie : les drônes, qu'il en construit et qu'il fait circuler des informations sur la manière d'en construire sur ses sites. Or, voilà qu'il a découvert sur un site spécialisé le post d'un amateur iranien qui raconte qu'il a construit son propre drône. L'appareil montré en photo est décoré de drapeaux iraniens, ce qui inquiète aussitôt Anderson qui se demande si en mettant à la disposition de tous ses informations il ne risque pas d'aider l'ennemi.

Ce post a suscité immédiatement de nombreuses réponses d'un peu partout dans le monde qui vont toutes dans le même sens, qui développent les mêmes idées et lui donnent le même conseil : continuez de donner vos informations.

Les arguments de ses correspondants sont les suivants :
- Si l'ennemi veut cette information il pourra l'obtenir de toutes manières.
- cet Iranien qui a mis la photo de son drône a plutôt fait preuve d'ouverture d'esprit. En lui répondant sur le même ton on ne peut que le rendre plus tolérant, s'il ne l'est pas déjà,
- en facilitant les échanges entre des gens installés aux quatre coins du monde, le net favorise la compréhension mutuelle,
- venant d'un Américain, cette réaction fait sourire : après tout, le comportement de l'armée américaine en Irak n'est pas au dessus de toute critique.

Tout cela parait plein de bon sens.

Un livre à lire : L’empire de l’université

Il y a quelques mois, Louis Gruel avait publié un livre qui a fait plaisir à tous ceux que Pierre Bourdieu agace pour de bons et moins bons motifs tant il y dénonçait avec bonheur les à peu près et artifices du sociologue. L’Empire de l’Université, le petit livre que vient de publier Geoffroy de Lagasnerie aux Editions Amsterdam devrait également leur plaire, mais pour un tout autre motif. Ce jeune sociologue qui enseigne à Paris 1 n’est pas un critique de Bourdieu, on devine même à le lire qu’il a le plus grand respect pour ses thèses, un tel respect qu’il les utilise, non sans ironie, pour critiquer les positions qui en ont fait, à la fin de sa vie, un des critiques les plus sévères des médias.

Dans les années 70, Bourdieu comme quelques autres grands intellectuels, Deleuze, Foucault, Derrida, s’en est pris vigoureusement aux journaux et aux journalistes accusés d’imposer leur échelle des valeurs, de préférer des essayistes médiocres (pour l’essentiel les "nouveaux philosophes", Glucksman, Bernard-Henri Levy…) aux chercheurs et savants, de valoriser les effets de manche et de négliger le travail sérieux. Cette polémique a à ce point occupé ces auteurs de tout premier plan qu’il est aujourd’hui banal de dire, du coté de l’université, que le journalisme a mis en péril la pensée sérieuse.

C’est cette thèse devenue lieu commun que Lagasnerie démonte dans son livre avec beaucoup de vivacité et, parfois, une certaine cruauté comme lorsqu’il soupçonne ces belles âmes d’avoir surtout reproché à la presse de leur préférer des auteurs moins prestigieux. Ce qui est sans doute injuste. Si Foucault et quelques autres se sont à ce point montrés critiques envers les médias, ce n’est pas que ceux-ci les aient abandonnés mais plutôt qu’ils s’y sont brûlés les ailes. L’auteur des Mots et les choses n’a tant opposé le travail des chercheurs à la légèreté de la presse qu’il avait fini par comprendre, lui qui écrivait dans le Nouvel Observateur et multipliait les interviews, que le journalisme simplifie et aplatit les pensées les plus novatrices. Le complexe devient simple, le problématique évident, le solidement argumenté pétition… Le succès immédiat du premier volume de son Histoire de la sexualité, la manière dont une thèse, qu’il voulait paradoxale, est devenue en quelques semaines banalité a certainement, joué un rôle déterminant dans ce revirement. Tout ce travail, toutes ces lectures, toutes ces heures passées à démonter des textes pour être résumées en quelques lignes…

Mais revenons à Lagasnerie. S’il critique les intellectuels qui s’en prennent aux médias, ce n’est pas pour rendre justice à la presse mais pour déconstruire l’opposition, qu’il juge factice, entre le champ savant, celui de la science et de l’université, et celui, de la presse, de l’opinion. Ce qu’il fait avec finesse en s’appuyant sur les analyses de l’université qu’a produites Bourdieu. À ceux qui reprochent aux journalistes leur incompétence, il rappelle que beaucoup ont des titres universitaires qui valent bien ceux de beaucoup de chercheurs. Il y a aussi des docteurs, des agrégés et des normaliens dans les rédactions! La différence se fait, dit-il, entre ceux qui ont obtenu des postes dans l’université et ceux qui, faute d’en obtenir, ont faire carrière ailleurs. Or, qui décide de l’attribution des postes? Les plus travailleurs? Les plus profonds? Non. Le pouvoir de nomination et d’attribution des postes à l’Université est détenu par ceux qui ont investi dans les positions de pouvoir au sein de l’université, ce qui n’est pas la même chose. Et n’est en tout cas pas une garantie de sérieux scientifique. Le jugement des pairs, que les universitaires opposent au jugement des médias ne vaut guère mieux. La biographie des grands intellectuels des années 70, tous tenus à l’écart des postes les plus prestigieux de l’université (Foucault recalé de la Sorbonne, Derrida de Paris X…), lui donne bien évidemment raison.

Toute la première partie de ce petit livre est donc consacrée à la critique de cette opposition entre université et médias. Dans sa seconde partie, Lagasnerie propose de la remplacer par une opposition entre avant-garde et arrière-garde. Il s’appuie, pour cela, sur un texte , peu connu, que Bourdieu a consacré à Manet et aux impressionnistes. Il y a, dit-il en substance, dans tous les champs des avant-garde et des arrière-garde. Tout comme il y a des chercheurs d’avant-garde, il y a des journalistes d’avant-garde. Ils travaillent dans des champs différents, mais ont des intérêts communs, se comprennent et se soutiennent mutuellement. C’est, dit-il Zola, romancier et journaliste d’avant-garde qui a fait connaître Manet, peintre d’avant-garde, que ses pairs méprisaient et jugeaient sans intérêt. C’est l’Express, magazine d’avant-garde à la fin des années 50 qui a publié les premiers textes de Barthes, c’est le Nouvel Observateur, journal d’avant-garde des années 60, qui a soutenu et fait connaître les travaux de Foucault, Bourdieu, Deleuze, c’est Tel Quel, revue d’avant-garde dans les années 70, qui a fait connaître les structuralistes. C’est, à l’inverse, le Figaro, journal conservateur, qui a publié tous ceux qui s’opposaient aux novateurs… On pourrait ajouter que sans le travail de quelques éditeurs d’avant-garde, comme François Wahl au Seuil, ces auteurs auraient eu plus de difficultés à percer.

Disons-le : tout cela sent bon les années 60, quand il était encore possible de parler d’avant-garde dans les milieux artistiques, littéraires ou politiques sans faire sourire. Est-ce que cela a, aujourd’hui encore, un sens? Ce n’est pas certain tant le conformisme semble l’avoir emporté un peu partout. Lagasnerie rappelle, à juste titre, que les innovateurs sont des hérétiques, des marginaux, qu’ils inventent en prenant position contre leurs aînés, en faisant autre chose, autrement… Ce qui est vrai de l’art (et c’est dans l’analyse de l’art que cette réflexion sur l’hétéronomie a été le plus loin poussée, par Bourdieu et Adorno, mais aussi par d’autres, comme Isou), l’est d'à peu près tous les domaines. Mais, justement : où sont aujourd’hui les hérétiques? Comment se fait-il que l’on soit incapable de citer un artiste, un philosophe, un musicien qui renouvelle profondément son champ, bouleverse les habitudes de pensée et ouvre de nouveaux horizons?

Prétendre que ces innovateurs ont disparu serait absurde, mais on ne les voit plus. C’est, sans doute, qu’ils sont isolés dans leur champ d’origine, tenus en marge, sans alliés dans les champs voisins, sans moyen de se faire connaître, ni même de se faire publier et, donc, ce qui est le plus grave, de travailler. Lagasnerie cite ce repli de chacun sur son univers intellectuel sans vraiment en analyser les causes, c’est dommage. Mais peut-être ira-t-il plus loin dans un prochain livre. Celui-ci, en tout cas, mérite la lecture tant il est rafraîchissant et tant il tranche sur le conformisme ambiant.

mercredi, septembre 05, 2007

Les dirigeants ne sont donc pas inutiles

J'ai longtemps pensé que les dirigeants des grandes entreprises n'avaient pas l'impact qu'ils supposaient et qu'on leur prêtait sur les résultat de leur organisation. Comme c'était un peu paradoxal, j'ai du développer quelques arguments pour soutenir cette thèse. Tous revenaient en fait à expliquer que le rôle des dirigeants dans les décisions qui font la différence (les décisions stratégiques, comme on dit en général) était infime.

En deux mots :
- la plupart des décisions dans les entreprises relèvent de la routine,
- celles qui échappent à la routine sont préparées, conçues et contrôlées par la technostructure qui ne laisse que peu de marge de manoeuvre aux dirigeants,
- les dirigeants exercent surtout leur pouvoir au travers des nominations, or une fois nommés leurs collaborateurs n'ont de c esse de conquérir leur autonomie et d'élargir leur champ d'intervention.

Mais sans doute me trompais-je. C'est en tout cas ce que suggèrent ces quelques articles que cite le blog "marginal revolution" :

1. In Danish data, if a CEO's child dies, the value of that CEO's company falls by one-fifth in the following two years.
2. If a CEO's wife dies, the value of that CEO's company falls by fifteen percent.
3. If a CEO's mother-in-law dies, the value of that CEO's company rises slightly.
4. American CEOs with McMansions run companies which significantly underperform the market
The Danish paper is here, the McMansions paper is here. On both studies, see today's WSJ, "Scholars Link Success of Firms to Lives of CEOs," the ungated link is here.

C'est effectivement très troublant. Encore que… l'effet de la mort de la belle-mère sur les performances de l'entreprise laisse réveur et invite à y regarder de plus près.

Encore Sarkozy?


Avez-vous vu cette image dans Libération de ce matin? Nicolas Sarkozy, une fois de plus? On le dirait, eh bien non, ce n'est pas lui, c'est Christian Streiff, le patron de Peugeot. On pourrait s'y tromper, et pourtant, les autres images que l'on a de lui, comme celle-ci ne suggèrent aucune ressemblance.

Qu'en conclure? que nous avons tant vu dans la presse le président ces derniers mois que nous avons des hallucinations? que les journalistes, documentalistes et rédacteurs en chefs de Libération sont à ce point séduits qu'ils le voient partout?

Il y en a tout cas quelque chose qui demande interprétation. Avec un peu de chance nous aurons samedi dans le journal un de ces commentaires qui toujours m'enchantent dans cette rubrique (oh honte!) dont je n'ai retenu ni le nom ni l'auteur mais qui commente une image publiée dans la semaine dans le journal avec autant d'acidité que de pertinence.

Délit d'entente chez les boulangers?

Vous l'avez sans doute remarqué en rentrant de vacances mais le prix du pain a fortement augmenté. La baguette qui valait 1€15 dans mon quartier en juin y est aujourd'hui vendue, chez certains boulangers 1€30, une augmentation de 13% que rien ne justifie, pas même l'augmentation du prix de la farine puisque n'entre que pour 5 centimes dans le prix de la baguettes (c'est en tout cas ce qu'assurent tant Michel Barnier que le patron de Système U).

Mais cette augmentation est si générale que l'on peut s'interroger sur les pratiques de la profession. J'en veux pour témoignage cet échange dans une boulangerie ce matin. Un éboueur entre dans la boulangerie pour acheter un petit pain. Lorsque la boulangère lui annonce le prix, il dit : "mais c'est cinq centimes de plus qu'en juin".

- Normal, répond la boulangère, le prix de la farine a augmenté…
- Il a tant augmenté que cela? interroge un peu narquois l'employé de la ville…
- Nous avons décidé d'augmenter de cinq centimes tous nos produits, réagit un peu agacée la boulangère. Vous pouvez aller chez les autres, c'est partout pareil…
- Une chose est sûre, ajoute l'éboueur, mon salaire n'a pas augmenté…
- Vous n'avez qu'à demander au gouvernement, lui rétorque la boulangère devenue acide.
- Et vous, lui répond, sur le même ton l'éboueur, vous avez demandé au gouvernement l'autorisation d'augmenter vos prix?

En 2004, la Fédération de la Boulangerie de la Marne avait été condamnée pour De cet échange mi-figue mi-raisin, je retiendrai 1) que le prix du pain reste symbolique et donc sensible, il est de ces produits quotidiens dont les augmentations se voient comme le nez au milieu de la figure et qui agacent même si sa part dont le budget familial reste minime, 2) que l'on ne peut exclure que les boulangers se soient entendus sur c es augmentations. Ce ne serait pas la première fois.des ententes comparables (voir ici).