vendredi, novembre 06, 2009

Eric Besson va-t-il gagner son pari?

Eric Besson semble en passe de gagner son pari grâce… à la presse et, d'abord, à celle de gauche. Après Libération qui regrettait, dès le lendemain de l'annonce de ce débat, que la gauche refuse de s'y associer (éditorial de Laurent Joffrin), c'est au tour du Monde d'expliquer, dans un autre éditorial, que "plutôt que d'alimenter le vain débat sur l'opportunité du débat (…) il nous parfait plus utile d'aller d'emblée au fond de l'affaire : quels sont les traits de l'identité nationale?" On voit bien l'intérêt pour les journaux : cela fait de la matière à articles qui ne coûtent pas très cher à produire. Chacun peut y aller de son commentaire et les rédactions peuvent solliciter jusqu'à plus soif tous ces auteurs, experts, intellectuels, lecteurs, qui ne demandent pas de rémunération. Mais je ne suis pas sûr que l'intérêt des journaux fasse celui des lecteurs.

On aimerait recommander à tous ceux qui entreprennent de s'interroger sur l'identité nationale de relire le Jean-Paul Sartre de la question juive. Ce n'est évidemment pas en nous regardant dans un miroir que nous trouverons notre identité, c'est en écoutant ce que les autres, ceux qui nous regardent de l'extérieur, ont à nous dire sur ce que nous sommes. Si traits communs il y a, seuls des regards étrangers peuvent le discerner. Nous en sommes incapables, sauf à penser qu'être Français se résume à quelques imbécilités jusqu'alors réservées aux supporters des clubs de foot et de rugby, genre Marseillaise, drapeau et coq gaulois.

Pour conclure, une anecdote. Je me trouvais il y a quelques années à l'aéroport de Séoul. A l'autre bout du grand hall où j'attendais mon avion, se trouvait un groupe d'une vingtaine de jeunes filles autour de deux bonnes soeurs. D'où j'étais, je ne pouvais pas distinguer leur visage, pas plus les entendre, juste voir leurs gestes, leurs mouvements. C'étaient incontestablement des Françaises. Par curiosité, je me suis rapproché. C'étaient effectivement des Françaises, mais toutes nées en Corée et amenées en France bébé parce qu'orphelines. Leur francité s'exprimait dans leurs manières de se tenir, de mettre la main sur la hanche, de se projeter dans la conversation vers leur interlocutrices, de rire…

Je n'avais pu deviner leur francité que parce que, plongé depuis quelques temps, en Asie, je reconnaissais soudain ce que je n'avais pas vu depuis longtemps : des Français ensemble. Elles auraient pu porter un voile ou une burqua qu'elles n'en seraient pas moins restées pleinement françaises.

1 commentaire:

David in Setouchi a dit…

En fait, l'idée de débattre de ce que c'est qu'être français est une idée intéressante (justement parce que la francité a énormément changé depuis quelques décennies, pourtant la vision qu'en a encore la majorité des Français, non).
Le problème c'est que vu la façon dont et les circonstances dans lesquelles le débat est proposé ne peuvent que nous rendre méfiants de la récupération et de l'utilisation que le gouvernement fera de ce débat (à coups de marseillaise, de sacralisation du drapeau et autres bêtises similaires)

Par contre, pour fréquenter des étrangers tous les jours (à la fois dans ma vie professionnelle et ma vie privée) et avoir vécu moi-même à l'étranger un certain nombre d'années, je ne suis pas si sûr que ça qu'ils soient les mieux placés pour nous définir.

A la limite nos voisins directs ont une image assez précise de ce que nous sommes, mais plus on s'éloigne de la France, plus la vision des Français est caricaturée et remplie de clichés plus ou moins obsolètes.

Par contre, comme vous le mentionnez, la perception qu'un Français peut avoir de ses compatriotes à l'étranger est une piste intéressante.